Sur la trame d’un (grand) amour ordinaire, Rodrigo Sorogoyen orchestre sur une décennie une délicate chronique sentimentale dont l’originalité de ton tient d’abord à la structure narrative fragmentaire. Donnant rendez-vous aux protagonistes à chaque Saint-Sylvestre pour un état des lieux de leur relation, le réalisateur étire le temps pour mieux le concentrer en vingt-quatre heures, au fil de longs plans-séquences au réalisme sidérant de justesse. Filmés au cœur de leur quotidien et de leur intimité, la libre et lumineuse Ana et l’intranquille Óscar prennent vie comme des figures étrangement familières pour composer un attachant couple de millenials, troublant de vérité dans les échanges comme dans les scènes d’amour. Alors que les années passent et que la jeunesse s’enfuit dans un parfum de nostalgie, les démons intérieurs des deux personnages se font jour, orientant leurs fragiles trajectoires. L’amour d’Ana qui se cherche et d’Óscar qui se méfie, formidablement incarnés par Iria del Río et Francesco Carril, navigue et résiste dans les méandres de leur psyché, sous le regard de proches, tous campés avec finesse. L’anatomie d’un couple dans une série émouvante, au romantisme moderne.